Indispensables à la santé humaine et animale, les substances pharmaceutiques consommées en quantités importantes sont omniprésentes dans les milieux aquatiques où leur activité biologique peut avoir des effets néfastes sur les écosystèmes. Leur détection par des méthodes sensibles et rapides est un enjeu majeur. Une équipe de l’IPBS-Toulouse (CNRS/Université Toulouse III-Paul Sabatier) a développé une biopuce d’analyse à haut débit de molécules d’ADN individuelles qui détecte efficacement la présence d’agents intercalants de l’ADN. Ces travaux publiés dans la revue Analytical Chemistry trouvent des applications dans le suivi de la qualité de l’eau mais aussi le criblage de molécules actives pour le traitement du cancer.
Des médicaments pourraient prochainement entrer dans la liste des substances polluantes pour les milieux aquatiques dites prioritaires avec des standards de qualité imposés. Pour accompagner cette évolution et permettre dans le futur un suivi régulier de la qualité des eaux de surface, des outils d’analyse sensibles, rapides, à bas coût et transportables, voire de terrain, doivent être développés. En matière de biocapteur, la combinaison de nanotechnologies, pour leur capacité de miniaturisation, et d’ADN, comme matériau de choix pour la biodétection, est une solution prometteuse.
Un grand nombre de médicaments prescrits exercent leur activité au travers de leur interaction avec l’ADN par intercalation entre ses paires de bases venant bloquer sa transcription ou sa réplication et sont une cible particulièrement pertinente en raison du risque génotoxique et/ou cytotoxique qu’ils peuvent présenter. L’intercalation d’un composé dans l’ADN s’accompagne de changements structuraux de la molécule telles qu’une augmentation de la longueur de contour de l’ADN et éventuellement une modification de sa rigidité. La biopuce développée et utilisée par les chercheurs de l’équipe du Dr. Salomé, a été conçue pour accéder à de telles caractéristiques structurales dans des travaux de recherche fondamentale. Elle est constituée de nanoparticules attachées à l’extrémité libre de molécules d’ADN immobilisées, par leur autre extrémité, sur des sites d’ancrage isolés et organisés en réseau sur un support. Par vidéomicroscopie et analyse d’images, les amplitudes du mouvement de plusieurs centaines de ces nanoparticules peuvent être mesurées en parallèle au cours du temps. Associée à cette technique de Tethered Particle Motion, cette biopuce permet le suivi de la dynamique conformationnelle de molécules d’ADN uniques à haut débit et la détection de modifications structurales de l’ADN avec une grande résolution. En parallèle d’études de la biophysique de l’ADN, l’équipe explore le potentiel de son approche comme biocapteur.
Les chercheurs ont d’abord démontré la faisabilité de la détection d’intercalants de l‘ADN par cette méthode en observant une réponse dose-dépendante pour des intercalants fluorescents dont les effets mécaniques sont établis dans la littérature. Ensuite ils avons mis en évidence que cette méthode peut être appliquée à la mesure de la concentration dans une eau naturelle de doxorubicine, molécule thérapeutique utilisée dans le traitement du cancer, et ce sur une large gamme de concentrations.
Ainsi, cette méthode permet la détection d’agents intercalants pourvu que leur interaction avec l’ADN ne diminue pas fortement sa rigidité. Les procédés nécessaires à sa mise en œuvre étant de type basse technologie, respectueux de l’environnement, à bas coûts et miniaturisables font de cette méthode un outil prometteur pour des analyses environnementales. Par ailleurs, cette méthode trouve également des applications dans le domaine du criblage de molécules actives interagissant avec l’ADN.
Actuellement, les chercheurs travaillent au développement de solutions de détection spécifique par l’intégration de molécules de reconnaissance à la biopuce pour des applications environnementales mais également diagnostiques.
Schéma de la biopuce à molécules d’ADN uniques : une lame de verre porte un réseau de sites de taille submicrométrique de protéine d’ancrage pour l’immobilisation par une extrémité de molécules d’ADN liées à une nanoparticule par l’autre extrémité.
Principe de la détection d’un intercalant : l’augmentation de longueur effective de la molécule d’ADN entraîne une augmentation de l’amplitude de mouvement de la nanoparticule DeltaA qui est mesurée par vidéomicroscopie et analyse d’images..
Courbe de calibration : Le signal, à savoir la variation de l’amplitude de mouvement, augmente avec la concentration en agent intercalant sur plusieurs ordres de grandeur.
© Laurence Salomé
Référence
Serres Sandra, Tardin Catherine and Salomé Laurence, Single-molecule sensing of DNA intercalating drugs in water. Analytical Chemistry in press
Plus d'informations :
Brevet « Biopuces pour l’analyse de la dynamique de molécules d’acide nucléique » Plénat T., Salomé L., Tardin C., Thibault C., Trévisiol E., Vieu C. FR 1057031 déposé le 3/9/2010 ; EP 2 611 940 B1 déposé le 1/9/2011
Plénat T.*, Tardin C.*, Rousseau P. and Salomé L. (2012) High-throughput single-molecule analysis of DNA-protein interactions by Tethered Particle Motion Nucleic Acids Research 40(12) e89
Guilbaud S., Salomé L., Destainville N., Manghi M., Tardin C (2019) Dependence of DNA persistence length on ionic strength and ion type. Phys. Rev. Lett. 122, 028102
Article sur le site du CNRS - Une biopuce à ADN pour détecter les micropolluants dans l’eau
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