Tout comme des perles sur un collier, plusieurs complexes protéiques Ku peuvent se glisser sur l’ADN à partir des extrémités générées lorsque notre ADN est cassé. Une étude publiée dans Cell Reports révèle que l’enzyme DNA-PKcs protège notre ADN d’une entrée excessive de Ku. Ces travaux mettent également à jour deux mécanismes limitant l’accumulation de Ku en l’absence de DNA-PKcs. La découverte de ces mécanismes, parfois déficients dans les cellules tumorales, ouvre des perspectives thérapeutiques.
De nombreuses thérapies anticancéreuses, comme la radiothérapie, assurent leur efficacité en induisant des cassures double-brin de l’ADN, c’est-à-dire la rupture des deux brins de la molécule d’ADN, générant ainsi deux extrémités. Chez l’homme, le complexe protéique Ku se lie immédiatement sur chaque extrémité des cassures grâce à sa structure en anneau. Cet anneau à la capacité de glisser sur l’ADN et de multiples complexes Ku peuvent ainsi se charger à partir de l’extrémité, puis glisser à leur tour comme des perles sur un collier. Or, l’ADN couvert par Ku ne pourrait plus s’ouvrir pour être copié ou pour permettre l’expression des gènes. On suspectait donc l’existence de mécanismes bloquant ce glissement dans les cellules.
Une protéine retient Ku à l’extrémité des cassures
Dans un article publié dans Cell Rep., des scientifiques de l’IPBS ont utilisé la microscopie de fluorescence à super-résolution pour suivre la quantité de Ku se chargeant sur des cassures induites dans des cellules humaines par les rayons-X, mimant la radiothérapie. Avec cette approche les chercheurs ont découvert que la protéine DNA-PKcs, qui se lie directement à Ku à l’extrémité des cassures, bloque son glissement sur l’ADN. Bien que la DNA-PKcs soit connue pour son activité kinase, qui lui permet de moduler par phosphorylation les propriétés de plusieurs protéines de réparation, les chercheurs ont montré que, dans ce cas, il s’agissait d’un rôle physique de la DNA-PKcs. En collaboration avec une équipe de l’Université de Harvard, les chercheurs ont montré que ce rôle était conservé chez le xénope, un organisme modèle que les chercheurs ont utilisé pour des analyses fines de la composition des complexes de réparation.
Deux mécanismes limitent l’accumulation de Ku dans la chromatine
De plus, les chercheurs ont montré que lorsque la DNA-PKcs est absente, deux mécanismes limitent l’accumulation de Ku sur l’ADN. Ku peut être ainsi modifié par greffage de multiples copies d’une protéine appelée ubiquitine, un processus appelé ubiquitination. La chaine de poly-ubiquitine résultante constitue alors un signal pour son extraction de l’ADN. Ce premier mécanisme dépend de la protéine FBXL12 qui recrute un complexe de greffage de l’ubiquitine. Par ailleurs, lorsque les cassures sont induites pendant la phase de duplication de l’ADN, l’excès de Ku aux cassures est éliminé par digestion de l’ADN par un complexe nucléase régulé par la protéine CtIP et par la kinase ATM.
L’excès de Ku bloque l’expression des gènes proches
Enfin, les chercheurs ont étudié l’impact que pourrait avoir un glissement excessif de Ku sur l’expression des gènes, qui nécessite l’ouverture de la double-hélice d’ADN. Ils ont pour cela développé un outil mesurant l’expression d’un gène à proximité d’extrémités d’ADN. Ils ont ainsi pu confirmer qu’en absence de la DNA-PKcs, l’expression des gènes voisins est bloquée par l’accumulation de Ku sur l’ADN.
Ces travaux répondent à une question fondamentale qui restait jusqu’alors en suspens : comment la quantité de Ku se chargeant sur les cassures de l’ADN est-elle régulée ? Ils identifient également des cibles thérapeutiques potentiellement utilisables pour tuer des cellules tumorales porteuses de défauts spécifiques de certains de ces mécanismes.
Identification of the main barriers to Ku accumulation in chromatin. Madeleine Bossaert, Andrew Moreno, Antonio Peixoto, Marie-Jeanne Pillaire, Pauline Chanut, Philippe Frit, Patrick Calsou*, Joseph John Loparo*, Sébastien Britton*. Cell Rep (2024) https://doi.org/10.1016/j.celrep.2024.114538
Chercheur CNRS | Sébastien Britton | Sebastien.Britton@ipbs.fr
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