Mucoviscidose : la technologie des organoides pour identifier de nouvelles stratégies thérapeutiques antimicrobiennes

La mucoviscidose est la maladie génétique rare la plus fréquente. Chez ces patients, les infections respiratoires contribuent à la perte de fonction pulmonaire et sont la première cause de mortalité. Parmi les pathogènes associés à la mucoviscidose, les mycobactéries non tuberculeuses comme Mycobacterium abscessus constituent un enjeu thérapeutique majeur de par leur résistance naturelle aux antibiotiques. Ainsi, l’étude des interactions entre l’hôte et M. abscessus permettrait d’identifier des stratégies thérapeutiques antimicrobiennes complémentaires. Une recherche internationale, portée par des scientifiques de l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale, montre que l’activation de la voie antioxydante NRF2-NQO1, en combinaison avec un antibiotique de première ligne, contribue à un meilleur contrôle de l’infection par M. abscessus. Ces résultats sont publiés dans la revue PLOS Pathogens.

Ces recherches s’appuient sur la technologie des organoïdes qui permet de générer in vitro des mini-poumons sains ou pathologiques. Les organoïdes, obtenus à partir de biopsies de patients, reproduisent in vitro l’architecture et la fonction des voies respiratoires humaines ainsi que les caractéristiques de cette maladie, pour laquelle le modèle murin n’est pas pertinent.

Dans cet article, les scientifiques montrent que les organoïdes constituent un bon modèle pour reproduire les caractéristiques de l’infection par M. abscessus, à savoir la formation de biofilms par le variant lisse S (smouth), et de cordes par le variant rugueux R (rough). De plus, l’infection par M. abscessus induit la production d’espèces réactives de l’oxygène et la mort des cellules épithéliales. Au niveau moléculaire, l’infection par M. abscessus est associée à l’activation de l’axe NRF2-NQO1, régulateur de la réponse antioxydante, dont l’activation par la molécule sulforaphane réduit la charge bactérienne dans les organoïdes. Ainsi, M. abscessus bénéficie de cet environnement oxydatif pour se développer.
Un des avantages de la technologie des organoïdes est de pouvoir mimer in vitro des pathologies humaines, telle que la mucoviscidose à partir de biopsie de patients. Dans cette étude, les scientifiques montrent que les organoïdes de patients présentent une hyperplasie de l’épithélium, une sécrétion exacerbée de mucus, et un stress oxydatif élevé associé à un défaut d’expression de NRF2, caractéristiques majeures de la mucoviscidose. L’infection des organoïdes de patients avec M. abscessus conduit à une croissance exacerbée des bactéries, une augmentation du stress oxydatif et de la mort cellulaire, comparativement aux organoïdes sains. Ainsi, l’environnement de la mucoviscidose favorise la croissance et la virulence de M. abscessus. Dans ce contexte, la restauration de la fonction de l’axe NRF2-NQO1 par le sulforaphane, seul ou en combinaison avec la céfoxitine, antibiotique de première ligne, conduit à un meilleur contrôle de l’infection.

Ainsi, l’activation pharmacologique de la voie NRF2-NQO1 pourrait constituer une approche thérapeutique complémentaire aux antibiotiques pour traiter les patients atteints de mucoviscidose et colonisés par M. abscessus.

Ces recherches sont financées par la fondation Vaincre la Mucoviscidose.

Mycobacterium abscessus exploite l’environnement oxydatif de la fibrose kystique pour se multiplier.
À l’état basal, les organoïdes sains (H-AOs) et les organoïdes de la fibrose kystique (CF-AOs) présentent des compositions cellulaires similaires. Cependant, les CF-AOs présentent des caractéristiques clés de la maladie de la fibrose kystique : accumulation de mucus, stress oxydatif accru et augmentation de la mort cellulaire. Les formes lisses (S) et rugueuses (R) de M. abscessus se répliquent plus efficacement dans les CF-AOs ; les S-M. abscessus forment des biofilms, tandis que les R-M. abscessus forment des cordes, indiquant une virulence plus élevée. Les infections par M. abscessus déclenchent un stress oxydatif accru dans les CF-AOs, exploitant l’environnement pour la croissance. L’amélioration des voies de détoxification via des agonistes NRF2, comme le sulforaphane, réduit les ROS et la mort cellulaire grâce à l’enrichissement en ARNm NQO1 dans les CF-AOs, contribuant à un meilleur contrôle de la croissance de M. abscessus. Créé dans Biorender. © Céline Cougoule et Stephen Leon

Source

Druggable redox pathways against Mycobacterium abscessus in cystic fibrosis patient-derived airway organoids.
SA Leon-Icaza, S Bagayoko, R Vergé, N Iakobachvili, C Ferrand, T Aydogan, C Bernard, A Sanchez Dafun, M Murris-Espin, J Mazières, P-J Bordignon, S Mazères, P Bernes-Lasserre, V Ramé, J-M Lagarde, J Marcoux, M-P Bousquet, C Chalut, C Guilhot, H Clevers, P J Peters, V Molle, G Lugo-Villarino, K Cam, L Berry, E Meunier, C Cougoule. PLOS Pathogens DOI : 10.1371/journal.ppat.1011559

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Céline Cougoule (Celine.Cougoule@ipbs.fr)

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